Politique de la ville : Et si nous reparlions du rapport de la Cour des Comptes dans son ensemble ?

Politique de la ville et attractivité du Plateau des Minguettes : Si nous vous avons réunis aujourd’hui, c’est pour partager, avec tous les acteurs ici présents, une lecture ni partiale, ni partielle du rapport public, mais inscrite dans sa globalité et dans la durée.

Vous le savez, la cour des comptes a mené une étude, sur l’évaluation de l’attractivité des quartiers prioritaires, et l’efficacité des Politiques de la Ville menées en France. Sécurité, habitat, cadre de vie, éducation, mixité sociale, désenclavement, la rénovation urbaine se situe au croisement de thématiques fondamentales, pour lutter contre les fractures territoriales, dans nos villes et agglomérations.

Si nous vous avons réunis aujourd’hui, c’est pour partager, avec tous les acteurs ici présents, une lecture ni partiale, ni partielle du rapport public, mais inscrite dans sa globalité et dans la durée.

Les médias se sont emparés d’un sujet, le communautarisme aux Minguettes, réduisant l’étude à cette seule dimension, ce qui est dommage. Mais on ne va pas se mentir. Non, le plateau n’est  pas devenu le bastion du salafisme, la très grande majorité des musulmans pratique leur culte, dans un esprit de tolérance et de respect de l’autre. Méfions-nous des amalgames et des raccourcis. Oui, il y a des replis communautaires et une radicalisation de l’islam dans certains endroits, à Vénissieux, comme dans de nombreux quartiers QPV en France, voire même dans des quartiers dits moins sensibles. Ce phénomène reste minoritaire aux Minguettes. « L’attente des hommes a deux cordes à son arc, quand la séculière casse, la religieuse se met à vibrer », nous prévenait Régis Debray. En clair, aucun quartier de la République, ne doit être abandonné par l’Etat et par le politique. On semble le découvrir aujourd’hui, mais cela fait des années qu’on en parle, avec de nombreux maires, et que nous tirons ensemble la sonnette d’alarme. Sur la place des femmes aux Minguettes, nous n’avons pas, heureusement, attendu la cour des comptes pour agir.

Nos politiques de proximité, l’appel à projet « La preuve form’elle », ont donné des résultats encourageants : dans les clubs, les pratiquantes sont passées de 22 % à 42 %. Il faut éduquer encore et encore, rappeler l’importance des valeurs républicaines que nous portons, et des principes de laïcité qui sont les nôtres. Si dans certains quartiers l’État disparaît, il ne faut pas s’étonner que l’intérêt collectif s’affaiblisse, au profit des intérêts particuliers. Il y a là un problème majeur, qui mine la vie des quartiers, et qui appelle une réponse politique nationale. Il faut lutter dans un sens plus large contre tous les replis identitaires, quelle qu’en soit la nature, et contre tout ce qui divise une société, déjà fragilisée par les inégalités sociales, économiques, des inégalités insupportables. Agir, oui et vite, mais agir avec un Etat présent, déterminé à faire respecter, sur chaque centimètre du territoire, notre pacte républicain.

Je reviens maintenant au rapport complet de la cour des comptes. Sur le fond, apporte-t-il des éléments nouveaux relatifs aux réussites, échecs et résultats des politiques de la ville ? Non, les études de l’ONZUS, dans les années 2010, mettaient déjà le doigt sur leurs limites et leurs bienfaits, dans les QPV de notre ville, comme sur l’ensemble du territoire national.

Fin 2013, quand j’ai reçu à Vénissieux François Lamy, le ministre délégué à la ville, je lui tenais ces propos : « Nos analyses convergent toutes vers un point essentiel : les quartiers populaires, et les populations qui y vivent, ne sortiront de l’ornière, que si l’État et le droit commun, y reviennent en force. Ne nous trompons pas d’objectifs : les politiques de la ville et les collectivités, ne peuvent se substituer à la volonté, et aux moyens régaliens de l’État, par contre, ces dernières doivent accompagner, agir, et mettre toutes leurs compétences au service de cette cause nationale ». Et bien avant la contractualisation de nos dépenses de fonctionnement, que le gouvernement Macron nous a imposée au forceps, j’ajoutais: « C’est la raison pour laquelle, monsieur le Ministre, les collectivités locales doivent garder une autonomie financière, sans laquelle nos politiques de proximité perdront en efficacité ».

Je ferme la parenthèse, et je me réfère maintenant à la dernière phrase du rapport de la cour des comptes, je la cite : « La réflexion sur l’attractivité du quartier s’est plutôt améliorée depuis 2008. Le NPNRU vise à conforter cette tendance engagée… Cette réflexion ne doit pas être disjointe d’une réflexion globale, à l’échelle des communes et de l’intercommunalité, en particulier en termes de solidarité et de réduction des inégalités métropolitaines, notamment à travers les politiques de droit commun ». CQFD.

Cette analyse, nous la partagions donc dès 2013, et nous continuons de la partager en 2021. Si l’on demande plus de services publics dans l’éducation nationale, dans nos commissariats, si l’on s’est battu pour l’implantation de certains de nos équipements culturels sur le plateau, du pôle hospitalier, pour l’arrivée du tramway, et contre la fermeture du point préfecture, ce n’est pas un hasard. C’est même le sens de notre combat politique, et notre majorité peut en être fière, car elle est dans le vrai et dans l’action. La rénovation urbaine ne réussit pleinement, que si l’on y met tous les ingrédients, pour réduire les inégalités d’accès de la population, aux droits les plus universels (santé, éducation, sécurité, logement), pour supprimer les discriminations et désenclaver les quartiers. Est-ce à dire que les politiques de la ville sont des cautères sur une jambe de bois ? Absolument pas ! Elles sont utiles, indispensables, nécessaires, mais présentent des limites, au premier rang desquelles, figurent l’emploi, le chômage et la précarité économique et sociale dans les QPV. Tout n’est pas rose, loin de là, mais une lecture attentive du rapport, à défaut d’être suffisante, est néanmoins encourageante, sur certains points. Que l’opposition se saisisse du verre à moitié vide, c’est son rôle, mais qu’elle ne veuille pas voir le verre à moitié plein, c’est faire preuve de cécité.

En matière d’attractivité résidentielle, je note dans le rapport, j’ouvre les guillemets : « Pour une large part de la population, l’installation dans le quartier a correspondu avec l’occupation d’un logement pérenne, et l’entrée dans le logement social, signes d’une amélioration de leur situation… Si les populations en situation de précarité dominent, ce ne sont plus forcément les mêmes, du fait de l’effet intégrateur du quartier ». Sur le logement social, je veux rappeler quelques vérités.

En 2017, il y avait 65 000 demandeurs de logement social pour 11 500 attributions, à l’échelle de la métropole (3 899 demandes enregistrées à Vénissieux, pour 367 attributions en 2017).  Cette donnée, nous ne l’inventons pas, et nous ne l’instrumentalisons pas. Nous répondons à un besoin évident, et la dérogation, en termes de construction de logement social, que nous demandons dans le cadre du NPNRU 2020-2030, s’inscrit dans cette perspective d’urgence sociale. On peut fermer les yeux sur cette réalité, ou pratiquer la politique de l’autruche. Mais allez dire à une famille modeste à faible ressource, sans véhicules particuliers (38 % des personnes enquêtées sur le plateau), de s’installer en 3ème couronne, loin de tout, de la ville centre, comme de tout emploi, alors, ne comptez pas sur moi ! Ce n’est pas le sens que je veux imprimer à la politique de la ville à Vénissieux, qui doit rester inclusive et non exclusive.

Le terme de mixité sociale, pas plus que le rapport de la cour des comptes, n’est capable de mesurer l’attachement des habitants à leurs quartiers. Il faut être attentif sur ce point, sans quoi la rénovation urbaine deviendrait un nouvel outil de discrimination insupportable. Au contraire, la cour des comptes remarque que les programmes de rénovation, ont profité à la population, et à un meilleur cadre de vie. Elle le dit clairement : « Les travaux de rénovation urbaine sont une réussite, et ont permis d’aérer le quartier, d’installer de nouveaux commerces et services, d’apporter plus de confort dans les logements. L’attribution d’un logement social pérenne dans le quartier, a donc représenté pour une grande partie des ménages, une amélioration de leur condition d’habitat ». Le développement de la mixité par l’offre de logement est engagé, mais pas à n’importe quel prix, je tiens à le rappeler !

En termes de sécurité, là encore disons-nous la vérité ! Oui, le trafic de drogue pourrit la vie des quartiers, à Vénissieux, comme dans les autres QPV. La cour des comptes précise, je la cite : « Il n’existe aucune zone de non-droit aux Minguettes. Le quartier ne fait pas apparaître de sur-délinquance globale, par rapport au reste de la ville, son taux de délinquance s’est réduit de 91 à 84 faits, pour mille habitants, de 2016 à 2018 ». Elle note, par ailleurs, tout le travail accompli (DUPS, CLSPD, réunion hebdomadaire Point service public, partenariat étroit entre tous les partenaires avec le commissariat de Police, adhésion aux dispositifs d’État ZSP, police de sécurité au quotidien, quartier de reconquête républicaine, etc…). Puis elle souligne que les effectifs du commissariat sont restés stables, à environ 140 agents entre 2011 et 2018. Or, la situation sociale s’est durcie entre-temps, les conflits sont plus violents, c’est la raison pour laquelle, j’ai demandé à adhérer au dispositif de police de sécurité du quotidien. 30 fonctionnaires supplémentaires sont ainsi venus s’ajouter en 2019. Je reprends les termes de la cour des comptes, laquelle certifie : « L’ensemble de ces moyens ont permis de contenir la délinquance sur le quartier des Minguettes avec une hausse significative des résultats en matière de lutte contre les trafics de stupéfiants ces dernières années ».

C’est un combat de tous les instants, un travail que nous savons de longue haleine, à poursuivre sans relâche, ni démagogie, aucune. N’oublions pas non plus de tenir compte des conséquences en terme de santé publique. C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place notre forum de prévention des addictions.

Au sujet de l’éducation, la cour des comptes relève des indicateurs de réussite scolaire, plutôt orientés à la hausse au collège. L’orientation en seconde générale et technologique, est globalement en progression, louant le travail accompli par les équipes pédagogiques, en faveur d’une réduction de l’écart entre les élèves des collèges REP, et ceux des collèges hors REP. La labellisation Cité éducative y est saluée. De même, le taux de réussite au baccalauréat est en hausse, mais reste inférieur à la moyenne nationale.

En matière d’insertion professionnelle, depuis de nombreuses années, nous travaillons et je demande expressément au rectorat, de créer de nouvelles filières de formation au Lycée Jacques Brel, en correspondance avec les besoins des entreprises, nouvellement installées sur la commune. Il y a une corrélation à trouver, entre l’arrivée de ces nouvelles entreprises, leurs besoins, l’attractivité de notre territoire, et le niveau de qualification du bassin d’emploi, des plus jeunes notamment. C’est l’une des clés pour que l’élan économique de notre ville, se traduise en emploi local.

Ce n’est pas un plaidoyer pro domo que je vous adresse, mais une lecture objective, des politiques de la ville menées à Vénissieux. Beaucoup a été fait, et beaucoup reste à faire. Sécurité, rénovation du bâti, évitement scolaire, emploi local, désenclavement de certains quartiers des Minguettes, amélioration de son image et de son attractivité, amplification de la participation des habitants, dans les projets de rénovation, il faut poursuivre nos efforts, tant sur ce qui a été fait, que sur ce qu’intègre déjà le nouveau PNRU Clochettes-Minguettes. Rien n’est acquis, mais mesurons néanmoins le parcours effectué.

La cour des comptes le résume ainsi, je la cite : « De 2008 à 2018, les conditions de vie au quotidien dans le quartier se sont améliorées, en raison des investissements publics importants et visibles dont il a bénéficié, alliant dispositifs de la politique de la ville et de droit commun, seule stratégie efficace et performante, pour permettre une telle amélioration. Néanmoins, ces améliorations ont peu modifié, à l’extérieur, les représentations et images du quartier. ».

Les médias ont un rôle à jouer. Qu’ils signalent les trains en retard, c’est normal, mais qu’ils mentionnent également les trains à l’heure, donnerait une image plus précise et plus large de la vie des quartiers populaires. Tout n’est pas négatif dans les QPV, loin de là, il y a des énergies, des solidarités entre les habitants, une dynamique associative, des attachements à la vie des quartiers, souvent bien plus prononcés qu’ailleurs.

Il faut aussi parler de ces initiatives, des labels, récompenses obtenus, par une population qui sait créer, innover, et se serrer les coudes. A l’aune des chantiers qui nous attendent, ces points forts et ces points faibles, doivent nous servir de cap et de guide, pour réussir une rénovation urbaine ambitieuse, que les effets de la crise de la Covid, rendent encore plus urgente, indispensable, et vitale.

Je vous remercie.

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