Nouveau programme national de renouvellement urbain

… »Les offices HLM, fragilisés économiquement, ne pourront plus assurer les services rendus quotidiennement aux locataires. C’est la dégradation assurée et accélérée du parc social. »…

Les quartiers des Minguettes, ce sont 22 000 habitants de Vénissieux, elle-même 3ème ville de la Métropole, 6ème ville de notre région, 82ème ville de France. Dès lors, chacun peut comprendre, que la métamorphose de ces quartiers soit un enjeu qui dépasse leurs frontières.

Je ne reviendrai pas sur l’histoire des Minguettes, de ces grands ensembles qui à leur construction étaient synonymes de progrès et de confort, sont ensuite devenus, avec la crise, des zones sans perspectives. L’explosion brutale de l’été 81 a montré l’urgence d’ouvrir le dialogue avec les populations, pour le maintien du pacte républicain, mais aussi pour interpeller les pouvoirs publics, exiger une rénovation urbaine, le désenclavement social, économique et culturel, le retour des forces régaliennes de l’Etat et des services publics.

Dans la métamorphose des Minguettes, débutée depuis plus de 30 ans, la « loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine » a constitué un réel progrès.

Le PNRU 2005/2015, c’est près de 70 opérations d’aménagement, conduites par l’ensemble des partenaires. Par effet levier de l’arrivée du tramway, la construction de logements privés sur le secteur, a enclenché la dynamique de la mixité.

Ainsi, entre 2007 et 2022, ce sont environ 550 logements privés et 465 logements sociaux qui auront été construits, sur les quartiers des Minguettes, en lien direct avec le PNRU.

Je voudrais ici saluer le cabinet Passagers des Villes, pour son accompagnement. Ensemble, nous avons fixé un cap pour le NPNRU 2018/2025, pour toujours mieux lier les Minguettes, au cœur de ville et aux grands projets, poursuivre la diversification de l’habitat, et avancer vers un rééquilibrage de la composition sociodémographique.

Ce programme ambitieux, qui prévoit notamment l’implantation d’équipements publics, pourrait, et je le regrette, être revu à la baisse, au regard de la diminution des financements de l’ANRU, et des difficultés budgétaires croissantes de la commune, compressée par des mesures gouvernementales insoutenables.

Pourtant, le NPNRU est un dispositif utile à une transformation positive de la ville et de ses quartiers, pour les habitants.

Vénissieux, ville populaire, s’est engagée dès le début dans la politique de la Ville. Nous, élus et techniciens, architectes et urbanistes, avons œuvré à ce que les Minguettes soient une réussite, en matière de rénovation urbaine. Mais en réalité, c’est la présence active des habitants, qui donne vie à un quartier. Il ne suffit pas d’accoler, ici des logements, là des magasins, quelque part un arrêt de tramway. Il faut trouver, avec la population, l’alchimie d’un quartier vivant.

La politique publique que nous défendons, parle avant tout d’humain, avant de parler de chiffre et de pourcentage. L’avantage d’être le maire de Vénissieux, c’est de pouvoir s’appuyer sur presque 30 ans de conseil de quartier, pour connaitre assez précisément les besoins de la population, et l’avis des habitants. Et voici ce que j’entends : une très grande majorité des ménages vénissians à reloger, après les démolitions, souhaitent retrouver un logement social à Vénissieux, voir dans leur quartier, parce qu’ils y sont nés, parce qu’ils y ont grandi, parce qu’ils sont investis dans une association, parce que cette ville de première couronne, bien dotée en transport en commun, leur apporte la proximité de l’emploi, des centres de soins, parce qu’ils sont tout simplement attachés à leur ville, à leurs racines, à leur histoire.

Fin 2013, notre programme s’inspirait de principes ayant fait leurs preuves, à savoir, construire des logements visant une pluralité des publics, avant de démolir les immeubles.

Les dispositions prises par le gouvernement actuel et le précédent, ont sérieusement changé la donne, notamment en matière de reconstruction des logements sociaux démolis. Selon les règles actuelles de l’ANRU, les 1 013 logements sociaux envisagés en démolition, au titre du NPNRU 2018/2025 sur les quartiers des Minguettes, seraient reconstitués hors de Vénissieux, ce qui ne laisse aucun espoir aux ménages les plus modestes, d’être relogé sur la commune, et proche de leur quartier, où ils ont leurs habitudes de vie.

Dès lors, monsieur le président, difficile, voire impossible de convaincre du bien-fondé des démolitions. La crispation ne se fera pas attendre, c’est toute une population légitimement attachée à son territoire, que nous sommes en train de déplacer contre sa volonté.

Il y a un principe de réalité que nous ne pouvons ignorer. A Vénissieux, 8 ménages sur 10 ont un revenu en dessous des plafonds PLUS-PLAI. Chaque année, près de 3 000 ménages demandent, en 1er choix, un logement social à Vénissieux, et le taux de rotation dans le parc existant est faible, aux alentours de 7%.

La nécessité de poursuivre une production de logements sociaux est donc impérieuse, pour répondre aux besoins des ménages, et renouveler le parc existant.

Le souhait de la Ville de Vénissieux, de reconstituer un logement social sur deux sur son territoire, ne rentre pas en contradiction avec l’objectif de mixité. Si nous cessons aujourd’hui de construire du logement social neuf en QPV, que se passera-t-il dans 20 ou 30 ans ? Nous aurons un parc qui sera devenu très ancien, à faible loyer, mais très dégradé.

Le projet social et urbain de la Ville de Vénissieux voit loin ! Et nous protestons ici, contre une politique à courte vue.

Avec la baisse des financements de l’ANRU, la compression des budgets des villes,  il n’est pas exagéré d’affirmer que les actions engagées, dans le cadre de l’ANRU, sont remises en cause, notamment le financement des projets de réhabilitation, et de construction.

De plus, faut-t-il le rappeler, l’Etat qui ne finance plus l’aide à la pierre, vient de baisser les APL, tout en obligeant les bailleurs sociaux à puiser dans leurs budgets, pour compenser cette baisse. Une perte de recettes qui réduit d’autant plus, leur capacité d’investissement dans la réhabilitation, et la production de logements neufs.

Les offices HLM, fragilisés économiquement, ne pourront plus assurer les services rendus quotidiennement aux locataires. C’est la dégradation assurée et accélérée du parc social.

Avec la loi ELAM, le gouvernement propose ouvertement la privatisation massive du parc de logement, pour transformer les bailleurs sociaux en gestionnaires d’actifs immobiliers.

Aussi, je ne peux m’empêcher de m’interroger, quant à la politique nationale du logement et sur certains choix, qui pourraient, à mon sens, fragiliser, encore plus les populations.

Aujourd’hui plus qu’hier, nous avons pourtant besoin d’une réelle ambition de l’Etat, accompagnée par tous les partenaires de terrain, pour mettre fin à une crise du logement, intenable et insoutenable, et renforcer la continuité territoriale, à travers une rénovation urbaine, humaine et solidaire. Ce sont ces caps multiples, que notre ville s’est fixés : répondre à l’urgence sociale ; diversifier les logements ; tirer par le haut tous les quartiers, de façon simultanée.

Monsieur le président, avec beaucoup d’autres maires et d’élus locaux, nous nous posons une question légitime au regard de la situation actuelle et des décisions prises : l’adjectif « prioritaires » de la formule QPV a-t-il toujours un sens ? Pour tous les acteurs de terrain mobilisés au quotidien sur les territoires de la politique de la ville sans aucun doute…Pour le gouvernement nous doutons sérieusement que nos quartiers restent une priorité ! Mais attendons de voir quelle sera sa réaction, face au plan d’urgence Borloo, qui préconise notamment la relance de l’ANRU.

Je vous remercie

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