Lancement de la résidence littéraire de Joël VERNET

… »Une culture vivante, ce n’est pas une culture muséifiée, c’est une culture qui sort de l’entre soi, pour aller au contact des habitants. « …

On dit qu’il y a deux sortes d’écrivains : les écrivains du lointain et les écrivains du proche, l’écriture de la myopie et l’écriture de la presbytie. Peut-être que la poésie et la prose se situent à mi-chemin : l’infiniment petit y devient plus grand, et l’infiniment grand plus près de nous. A partir d’un mot, d’une sensation, d’un regard, il s’agit de traduire les mondes en un langage universel. On a ainsi tendance à associer voyage et écriture, partir c’est écrire, écrire c’est  partir.

Joël Vernet saura très bien nous en parler, tout au long de sa résidence littéraire, la 11ème que notre ville et l’espace Pandora organisent, du 20 février au 16 avril 2020. Originaire de la Haute-Loire et de la Lozère, ces terres sauvages, minérales et belles, Joël Vernet a traversé le monde et les continents. Afrique, Asie, Europe, deux années à Alep en Syrie, ville-martyr aujourd’hui détruite dans l’indifférence, après des années de guerre d’une violence inouïe, vous publiez des livres inclassables comme Lettre pour un très lent détour, Voyages au Mali, La Montagne dans le dos, Impressions du pays dogon, Ougarit, la Terre, le ciel, Nous ne voulons pas attendre la mort dans nos maisons, La nuit errante, Lâcher prise.

Ni tout à fait poésie, ni chroniques de voyages, vos livres sont une invitation à découvrir la beauté, qu’elle soit sur le pas de nos portes, ou sous d’autres latitudes.

Je vous cite dans un extrait de votre ouvrage, La Journée Vide : « Nous lançons nos filets dans les rues immédiates, et ramenons sans effort les beautés de la vie nue. Pour cela, tout simplement, il nous suffit d’habiter les heures sans gloire, et les jours solitaires, il nous suffit d’être là, aux aguets avec, pour seul souci, la merveille de cette vie. »

Bienvenue donc à vous, cher Joël Vernet, votre résidence littéraire prend la suite de celle de Rémi Checchetto, qui n’a pas pu se libérer ce soir, mais que je tiens néanmoins à remercier. Nous distribuons à cette occasion le recueil Un an d’écrits à Vénissieux, qui rassemble le travail commun entre les habitants et l’auteur, au cours des ateliers d’écriture.

Une résidence, c’est un échange, une immersion, une rencontre avec un territoire, des visages, ses habitants, autour de la langue et de la création littéraire, sous toutes ses formes. Vous connaissez désormais l’association l’Espace Pandora, son président Emmanuel Merle, son directeur Thierry Renard et toute son équipe, que je remercie. C’est un partenaire précieux et fidèle pour la Ville de Vénissieux, car sa mission est de faire vivre l’écriture, la poésie et la lecture au plus près des habitants, dans une dynamique d’échange et de rencontre.

En termes d’ouverture à la littérature et à l’imaginaire, le cheminement compte plus que le point d’arrivée. Notre ville et l’Espace Pandora croient à ce travail de médiation, d’éveil et d’accompagnement autour du livre, à la souplesse d’une langue qui s’enrichit au contact de l’altérité, des cultures populaires et des différentes générations.

Pour faire vivre l’écrit au quotidien, il lui faut des rendez-vous et des temps forts, comme les organise l’Espace Pandora, avec le Magnifique printemps, le Jour du livre, mais aussi des ateliers d’écriture et rencontres avec des auteurs, en direction de publics diversifiés, dans les écoles, et avec des partenaires culturels et sociaux. Nous affichons en somme la même volonté : faire descendre l’écriture de son étagère, et la voir circuler de main en main, dans tous nos quartiers.

Cher Joël Vernet, vous allez aussi découvrir pendant votre résidence, notre ville de Vénissieux, fière de ses racines populaires, industrielles, et de la diversité de ses cultures. Vous allez découvrir ses habitants, dans la proximité et la création des ateliers d’écriture, ou lors des différentes rencontres de votre résidence.

Vous l’aurez compris, la culture s’inscrit à Vénissieux, dans un projet de territoire ambitieux, où il s’agit d’en multiplier les ramifications, dans tous les quartiers. Dans notre projet éducatif de territoire, dans nos Equipements Polyvalents Jeunes, dans les centres sociaux, la création va à la rencontre des enfants, des jeunes, de tous les Vénissians.

Une culture vivante, ce n’est pas une culture muséifiée, c’est une culture qui sort de l’entre soi, pour aller au contact des habitants. Nos équipements culturels sont les points d’ancrage, et les points de diffusion de cette culture ouverte au plus grand nombre.

Notre médiathèque, espace consacré à la lecture publique, avec 3 autres bibliothèques de quartier, maille le territoire.

Le réseau des bibliothèques bénéficie chaque année, de 170 000 à 180 000 entrées.

Sous l’emprise des politiques libérales ou d’austérité, les deux faces d’une même pièce, la culture est devenue un enjeu de société, je dirais même un combat de société.

La Fondation Jean-Jaurès a publié en décembre dernier, un rapport sur le ministère de la Culture. Son budget, qui est estimé aujourd’hui à 10,8 milliards d’euros, a nettement baissé au cours de ces dix dernières années. L’État représente 29% de la dépense culturelle, là où les collectivités territoriales pèsent 55%.

A ce désengagement, s’ajoutent des déséquilibres entre les territoires. Les dépenses pour la culture représentent 202€ par habitant, pour Paris et l’Ile-de-France, contre 17€ pour les Pays de la Loire, par exemple.

Que la culture vive par ses territoires est plutôt une bonne chose, à condition que la continuité républicaine soit assurée, mais les collectivités sont aussi en droit d’attendre autre chose de l’Etat : qu’il impulse un souffle nouveau, un souffle fort pour la culture en France. A l’heure actuelle, malheureusement, personne n’en a ressenti les effets.

Pour clore ce début de soirée, nous allons avoir l’occasion d’entendre l’écriture de Joël Vernet, lors d’une lecture où il sera accompagné en musique, au hautbois, par Léa Vernet, sa fille.

Enfin la soirée réservera une surprise, avec un karaoké poétique, par la « Compagnie La Parole de », où chacun pourra choisir parmi une sélection de textes, celui qui sera lu en musique.

Des débuts festifs donc, pour cette résidence littéraire, que je vous souhaite, cher Joël Vernet, passionnante et prolifique, dans l’espoir que notre ville soit source d’une inspiration nouvelle et multiple.

Je vous remercie.

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