Inauguration du square Général Pierre-Robert de Saint-Vincent

Depuis la naissance du projet de l’Îlot Romain-Rolland, et tout au long de sa réalisation, la dimension paysagère et la qualité environnementale de ce programme de logements, ont constitué un véritable fil rouge, inscrites en quelque sorte, au cahier des charges.

Bien vivre son logement est essentiel, bien vivre, à l’extérieur, dans son plus proche voisinage, l’est tout autant. Le cadre de vie renforce le sentiment d’appartenance à un quartier, à une ville, il rapproche les habitants, récréant un lien social qui fait trop souvent défaut, au cœur des grandes agglomérations. Je rappelle que l’Îlot Romain-Rolland comprendra, d’ici fin 2018, quelque 340 logements, dont 22% de logements sociaux.

Mais revenons à ce square et revenons dans un deuxième temps au nom qu’il porte, square « Général Pierre-Robert-de-Saint-Vincent ». Rhône Saône Habitat et Nacarat ont réalisé, en maîtrise d’ouvrage commune, les espaces extérieurs publics, de l’îlot Romain Rolland. Le square, d’une surface de 1 400 m², a été aménagé lors des opérations de logements des « jardins du monde », le long de la rue Romain Rolland. Il a été pensé et réalisé, par les architectes paysagistes de l’ « Atelier de ville en ville », en concertation avec les services de la ville.

Sans entrer dans les détails, il s’intègre parfaitement à l’Îlot, tout en restant ouvert et tourné vers le centre-ville de Vénissieux. Il est constitué de nombreuses plantations, d’une aire de jeux pour les enfants, d’une aire de détente en pelouse et en stabilisé, qui permettront aux habitants du quartier, de profiter d’un espace de nature. 32 arbres, dont certains fruitiers, ont été plantés dans le square. Sur les abords, 23 grands arbres ont été conservés et valorisés, dont 4 grands platanes conservés dans le square.

Une haie de cueillette, composée de petits fruits, fait allusion aux activités maraichères du quartier, et a été élaborée avec les services de la ville. La haie cueillette, constituée de groseilliers, cassissiers, vignes, framboisiers, permettra également de communiquer avec les jeunes générations, sur une tradition de vergers et de jardins productifs. Je remercie les maîtres d’œuvre, architecte, le bureau d’étude Sotrec et entreprises (Seem, Sobeca, Peix, Nature, Collet) qui ont créé un lieu familial, de calme, de détente et de respiration, que les habitants se sont déjà approprié.

Comme je le disais en introduction, ce square porte le nom du Général Pierre-Robert-de-Saint-Vincent. Que ce patronyme s’inscrive dans la géographie, l’histoire et la mémoire de Vénissieux, est une marque de reconnaissance et un juste retour des choses, dont je suis fière. Le Général Pierre-Robert-de-Saint-Vincent rejoint ainsi, les grandes figures de la résistance, que nos rues et équipements honorent, et inscrivent dans notre présent : Lucie Aubrac, les frères Amadéo, Danielle Casanova, Pierre Brossolette, Max Barel, Max Dormoy, Ambroise Croizat, Jean Moulin, Charles de Gaulle, Irène Joliot-Curie, etc. Nos places, nos avenues, nos lieux collectifs se souviennent.

Quand on voit que la stèle des 44 enfants juifs d’Izieu a été vandalisée début août, un acte odieux que je qualifierais de profanation, le travail contre l’oubli s’avère plus que jamais nécessaire.

Le Général Pierre-Robert-de-Saint-Vincent a sauvé des vies. Il a sauvé des vies, en formulant une phrase, une phrase puissante, forte, sans concession : « Jamais je ne prêterai ma troupe pour une opération semblable ». Ce sont en ces termes, que le Général s’est opposé au régime de Vichy, à l’été 42, alors que l’Etat Français allait commettre l’irréparable, en participant de façon active, à la déportation des juifs.

Avec Pétain, avec Laval, avec Bousquet, l’administration et la police française collaborent, et en faisant preuve de zèle, à la pire entreprise que la société des hommes ait élaborée : la Shoah. Il y eut en tout 79 convois de déportation, de Drancy, de Compiègne, de Pithiviers, de Beaune-la-Rolande, vers des lieux, dont la mémoire présente ne saurait effacer, l’ignominie et la barbarie des hommes et du nazisme : Auschwitz, Majdanek, Sobibor, Kaunas, Réval et Buchenwald.

L’effroi est toujours là, en nous, la douleur aussi, indélébile, gravée. 75 721 juifs furent ainsi déportés, dont 8000 enfants de parents étrangers. 2 000 personnes seulement, revinrent des camps. « Jamais je ne prêterai ma troupe pour une opération semblable », voilà à quoi s’oppose la phrase du Général Pierre-Robert-de-Saint-Vincent, à l’ignoble servilité et soumission de la déportation.

Gouverneur militaire de Lyon, il refuse, ce 29 août 42, l’ordre de mettre des gendarmes à la disposition de l’intendant de police Marchais, à la gare Lyon-Perrache, pour prévenir des troubles, lors de l’embarquement de 550 juifs à destination de Drancy. Un acte de désobéissance et d’une bravoure incroyable, qui sauvera des vies, car le retard pris pour l’opération, permettra d’exfiltrer du camp de Bac Ky, de nombreuses personnes, parmi lesquelles 108 enfants juifs.

Grâce au Général Saint-Vincent, grâce aux associations et au réseau de l’Amitié Chrétienne, grâce à une conjonction d’hommes et de femmes, rassemblant militants communistes, résistants et catholiques, Lyon et sa région préfectorale, seront les seules en France, à n’envoyer aucun enfant juif vers Drancy, et l’innommable des camps de concentration et d’extermination.

La réaction de Vichy sera rapide et sans appel : Pierre-Robert-de-Saint-Vincent sera démis de ses fonctions, mis à la retraite d’office, et devra se cacher pendant deux ans, sous un faux nom, à Grenoble, puis à Nice. Il poursuivra néanmoins son action au sein de la Résistance, et reprendra son activité en août 44, à la Libération de Lyon, à la demande du Général de Gaulle.

Après avoir participé à l’évasion du général Giraud, après s’être engagé dans l’organisation clandestine Armée Secrète et l’Amitié Chrétienne, oeuvre fondée pour aider les juifs persécutés par Vichy, après avoir refusé d’obéir aux ordres de ses supérieurs, Pierre-Robert-de-Saint-Vincent a montré, tout au long de sa vie, son refus de la soumission. Son refus, quand bien même le devoir militaire l’exige, de participer à l’abject, son refus de fermer les yeux sur la réalité d’un génocide en cours.

Militaire, aristocrate, courageux, résistant, mais aussi humain, philanthrope, solidaire, nous ne pouvons distinguer l’homme du général, tant les deux réunis ont contribué, à sortir la France des années noires de la collaboration.

Comme un juste retour des choses, le 24 juin 1993, l’institut Yad Vashem de Jérusalem, a décerné au Général, le titre de Juste parmi les Nations. Je voudrais remercier la famille de Robert-de Saint-Vincent, ici présente, et tous les participants à l’inauguration du square.

Le 75ème anniversaire de la déportation des juifs de France doit aussi nous rappeler qu’ici à Vénissieux, a eu lieu l’action collective de sauvetage d’enfants juifs en France la plus exceptionnelle de la guerre.  75 ans après, il est nécessaire et salutaire, de se souvenir de ces hommes et de ces femmes qui, en faisant le choix du courage au lieu de la lâcheté, ont sauvé des vies, et bâti nos libertés.

Je vous remercie.

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