Commémoration du 8 mai 1945

… »Pris dans la rage, le bruit, et la fureur de la seconde guerre mondiale, Vénissieux a payé, elle aussi, un lourd tribut au cours de ces cinq années de cauchemar. »…

« Tout pour l’Etat, rien en dehors de l’Etat, rien contre l’Etat ». Cette maxime est de Mussolini.

De son côté, Adolf Hitler exacerbe l’existence du Volksblut, le sang racial commun, condition préalable à la construction du mythe, et de l’utopie de la Grande Allemagne.

Le projet du 3ème Reich, vise à transformer le peuple allemand, en communauté biologique. Dans des maternités, des jeunes femmes sont ainsi sélectionnées, pour concevoir des enfants avec des SS.

Les régimes fasciste, et totalitaire, nourris de la pensée d’extrême droite, de l’antisémitisme, et de la xénophobie, vont asseoir leur pouvoir, autour de trois grandes figures : le culte de l’homme providentiel, la subordination totale de l’individu, à un Etat régi par un seul parti, et l’adhésion à une idéologie omnisciente et globale.

Dans le Pacifique, le Japon impérial, se nourrit lui aussi, de cette idéologie.

Au bout des cauchemars totalitaires : le chaos planétaire, et une rupture de civilisation.

Car pour la première fois dans l’histoire, des hommes, la mort, le génocide et le crime de masse, vont devenir planifiés, organisés, et industriels. Cette mort porte le nom d’Auschwitz, Treblinka, Dachau, Buchenwald.

Car dans son entreprise d’autodestruction, le nazisme s’est attaqué, non pas à un territoire, ou à un ennemi, non, il s’est attaqué à l’esprit des Lumières, et au genre humain, à la Révolution de 1789, comme à l’héritage de la démocratie grecque, et du droit romain.

C’est la civilisation des hommes qui s’est effondrée, et qui a vacillé en 39-45, et c’est dans ce trou noir, que le 3ème Reich, le fascisme, et les lois raciales de l’extrême droite, ont entraîné les peuples, sur tous les continents.

Plus de 70 ans après, les chiffres font toujours froid dans le dos, ils portent en eux quelque chose d’impensable, d’inimaginable, d’irrespirable.

La seconde guerre mondiale, c’est 25 000 disparus par jour.

55 millions de morts en 6 ans.

La Shoah : 6 millions de juifs, perdent la vie dans les camps de concentration, dans les camps de l’innommable.

Tous les pays comptent leurs victimes ; par milliers, par millions (21 millions de morts, pour la seule URSS !, 600 000 pour la France). Industrialisation de la mort, armes de destruction massive, expérimentations médicales, et scientifiques sur des cobayes humains.

Le pire des régimes, le 3ème Reich, a écrit le pire des chapitres : 39-45 !

Des cadavres charriés sur tous les continents. Guernica et Nankin en prélude, puis Stalingrad, Auschwitz, Varsovie, Vienne, Lidice, Salo, Hiroshima, Oradour-sur-Glane, Drancy, Nagasaki, Treblinka, Dachau, Berlin, Izieu.

La bataille de Stalingrad, fait à elle seule, un million de morts.

Partout, des ruines, des deuils, des cendres, et des noms de ville, qui ne résonnent plus aujourd’hui de la même façon.

Lorsque le général Allemand, Alfred Jodl, signe la capitulation, sans condition des armées nazies, le 7 mai 45 à Reims, ce que les chefs alliés annonceront, le lendemain sur les ondes, il est déjà trop tard pour panser les plaies.

L’irréparable a été commis, le Vieux Continent s’est autodétruit, le monde embrasé, dans le feu d’une violence inouïe.

Et pour la première fois, les populations civiles, font partie des objectifs de guerre.

Le bilan est terrible, : environ 45 millions de civils sont morts, et le nombre de victimes civiles, est supérieur, à celui des victimes militaires, sans compter les déplacements de populations, soit 30 millions d’européens concernés, essentiellement en Europe orientale.

En France, environ 600 000 victimes, sont dénombrées, dont 350 000 civils. On estime à 100 000 personnes mortes en déportation depuis la France.

Le montant de la reconstruction, s’élève à 4 milliards 900 millions de francs. 300 000 bâtiments d’habitation sont entièrement détruits. Les villes de Brest, Caen, Le Havre, Lorient, Saint-Nazaire, Saint-Lô, Évreux, Saint-Malo, Rouen, sont quasiment rayées de la carte.

En 1945, près d’un million de ménages, alors que la France métropolitaine, compte 12,5 millions de ménages, se trouvent sans abri.

Le pays est à genoux, mais le prix politique de la guerre, est peut-être plus lourd encore à porter.

Après la défaite de juin 40, le vote des pleins pouvoirs, au Maréchal Pétain, ouvre l’un des chapitres les plus sombres de notre histoire.

En choisissant la collaboration, et la soumission à l’occupant allemand, Vichy rompt avec la tradition républicaine, dans un esprit de contre-révolution et de revanche sur le siècle des Lumières, 1848, 1936.

La « Révolution Nationale » de Pétain, idéologie officielle au régime de Vichy nourrie par l’extrême droite, et la droite versaillaise, veut opposer aux droits de l’homme, les droits d’un régime nationaliste, antisémite et réactionnaire, aussi illégal qu’illégitime.

Très vite, Vichy s’en prend aux forces progressistes : les communistes et syndicalistes dans un premier temps, puis les socialistes, les résistants, estimant même que le principal ennemi, c’est l’enseignant, coupable d’émanciper les enfants et la jeunesse.

En allant contre ses principes, et les valeurs fondatrices de notre histoire, la France va commettre l’irréparable, à partir de l’été 42 : la déportation des juifs, et la collaboration active, de l’Etat français dans cette entreprise d’extermination.

Dans le cadre des rafles, tous les services de l’administration ont été impliqués, la police en premier lieu bien sûr, mais aussi, et on le sait moins, les services financiers, censés trouver des budgets extraordinaires, afin de parquer et de transporter les personnes arrêtées.

La politique de quotas est décidée à Berlin, elle sera appliquée à Paris, avant de s’étendre à la zone libre. Pour la France, le quota est fixé dans un premier temps, à 40 000 juifs. Presse censurée, rafles effectuées au petit matin pour limiter le nombre de témoins, tout a été programmé et prémédité.

Pour la zone libre, l’idée des rafles est émise par Bousquet lui-même, auprès des autorités allemandes et de Heydrich, l’un des planificateurs de la Shoah !

La nature de ces rafles, change radicalement dans la mesure où, l’occupant n’y est pas présent : l’Etat Français livre donc, de lui-même, ses propres citoyens. Une tache noire, tragique, indélébile.

Dire que la France d’aujourd’hui, doit beaucoup à la France de la Résistance, est toujours aussi juste. Au-delà de nos libertés actuelles, tous ceux qui ont dit non à Vichy, ont défendu la continuité historique de notre nation, et endossé une tradition républicaine rénovée, et ancrée dans notre récit collectif.

C’est la France qui refuse l’isolement, et le repli, celle qui refuse les discours de haine, et la subordination au plus puissant. C’est une France debout, qui ne courbe pas l’échine, qui ne se résigne pas, une France qui lutte, et combat, au prix de son propre sang, du risque de trahison, ou de la déportation.

Que serions-nous sans elle, sans l’engagement héroïque, de ces hommes et de ces femmes, pris dans la pire histoire du XXème siècle ?

Il y a ceux dont nous connaissions les voix, Jean Moulin, Lucie et Raymond Aubrac, Germaine Tillion, Missac Manouchian, Charles de Gaulle, les FTP-MOI, les vigies du CNR, pour ne citer qu’eux.

Le colonel Rol-Tanguy, mettait en avant également le rôle des femmes, avec ces mots simples : « Sans elles, la moitié de notre travail eût été impossible ». Des jeunes femmes, des lycéennes, et de nombreuses femmes juives, ou d’origine étrangère, notamment des pays de l’Europe de l’Est, vont s’engager immédiatement dans la lutte.

Elles seront suivies, par d’autres, dans des « mouvements d’émancipation », comme Berty Albrecht, l’une des fondatrices de Combat, qui était dans les années 30, militante féministe, et surintendante d’usine.

Tous ont pris des risques, incommensurables, beaucoup y ont perdu la vie, mais chacun d’entre eux, était porté par l’idée, que la France sans la République, sans la démocratie et sans la liberté, ne pouvait pas être la France.

Avant de songer à l’avenir politique de l’après-guerre, auquel le Conseil National de la Résistance s’attela, dès 1943, chaque résistant, contribua à l’avènement de la libération, et au rétablissement de la légitimité républicaine.

C’est dire s’ils ont su saisir l’histoire, pour en modifier le cours, grâce à leur courage, à leur détermination, et leur don de soi.

Pris dans la rage, le bruit, et la fureur de la seconde guerre mondiale, Vénissieux a payé, elle aussi, un lourd tribut au cours de ces cinq années de cauchemar.

135 tués, 30 disparus, 90 fusillés, 6 bombardements aériens, plus de 600 maisons à l’état de ruines, ou endommagées, des usines dévastées, à la sortie de la guerre, notre ville est détruite à 50%. Vénissieux reçoit à ce titre, la Croix de Guerre en 1945.

Elle pleure ses morts, comme ces cinq patriotes tombés, sous les balles allemandes, le long du mur Berliet, à quelques jours seulement, de la libération.

Ils s’appelaient, Louis Trocaz, Pierre Joseph Gayelen, Félix Gojoly, Louis Moulin et Jean Navarro.

Mais Vénissieux, c’est aussi ces 108 enfants juifs, que des résistants, des religieux, et des acteurs associatifs vont exfiltrer, du camp de Bac Ky, pour les sauver d’une mort annoncée à Auschwitz, ou dans d’autres camps de concentration.

La commémoration de ce 8 mai 1945, de la capitulation sans condition des armées nazies, se situe pile, au croisement de la mémoire, et de l’espoir.

Ce moment si particulier, devient année après année, le moment de la Transmission avec un grand T.

Le temps passe, les témoins de l’horreur de la shoah, de la résistance, sont de moins en moins nombreux. Comment enseigner le cauchemar, des camps de concentration, la peur éprouvée dans les maquis, sans leurs voix, qui nous servaient de guide, et de bouclier ?

Car c’est le quotidien, en temps de guerre qui disparaît, ce réel, ces gestes, ces tranches de vie, sans lesquels l’histoire, peut devenir alors ,une histoire lointaine, désincarnée, anonyme.

Repenser la transmission aux jeunes générations, sans la parole de nos ainés, à l’ère du numérique également, fait donc partie de nos tâches.

Par le livre, par l’image, par le son, par la pédagogie, et l’apprentissage, par les conditions sociales, économiques, géopolitiques de l’époque, aucun élément, ni aucun moyen, ne doivent être négligés pour susciter l’intérêt, et la curiosité des jeunes générations.

La double présence, des cadets de la sécurité civile, élèves de 4ème au collège Jules Michelet, et des élus du CME, ainsi que les interventions des collégiens de Paul Eluard, montrent à quel point notre ville, ne cessera jamais de creuser le sillon du savoir, et de la transmission.

A l’heure où les populismes, l’extrême droite, et les replis identitaires gagnent du terrain en Europe, et dans le monde, il est important, de rappeler comment la haine, et la xénophobie, ont porté les germes du pire cauchemar de l’humanité, il y a plus de 70 ans.

« Ce qu’ils attendent de nous, ce n’est pas un regret, mais un serment. Ce n’est pas un sanglot, mais un élan», disait Pierre Brossolette, homme politique, et résistant.

C’est cet élan qu’il nous faut partager, et prolonger, de génération en génération, pour ne rien oublier.

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