Aucune expulsion locative en 2021

… »La prolongation de la trêve hivernale au 1er juin 2021 constitue un sursis pour les familles en situation d’expulsion, mais elle ne saurait suffire face à l’explosion prévisible et attendue de la précarité. »…

Monsieur le Premier Ministre,

La pandémie de COVID-19 a créé une crise économique et sociale sans précédent. L’un des signes les plus préoccupants de cette crise est l’explosion de l’aide alimentaire. La Fédération Française des Banques Alimentaires a enregistré une hausse de ses distributions de 25 %. Le Secours Catholique souligne ce drame silencieux qui touchait 8 millions de nos concitoyens en 2019 contre 5 millions en 2018.

Dans son rapport annuel sur le mal-logement, la fondation Abbé Pierre pointe une situation alarmante. Confrontés à une perte de revenus, des ménages, jusque-là épargnés, n’arrivent plus à payer leur loyer et viennent s’ajouter à ceux déjà en situation d’impayés.

Un constat partagé par le député Nicolas Démoulin, rapporteur à l’Assemblée Nationale sur la prévention des expulsions locatives. Son rapport précise : « le contexte particulier de la crise sanitaire traversée par la France depuis mars 2020, constitue un substrat renforcé de risques de décrochage économique et social pour de nombreuses personnes.. Les observateurs s’accordent à prévoir une résurgence de cas problématiques à l’issue de la trêve hivernale…. ». Il indique également : « L’intérêt général commande que l’expulsion ne soit exécutée qu’en dernier ressort, après examen des alternatives possibles et sous réserve de disposer d’une proposition adaptée de relogement ou d’hébergement, à fortiori dans un contexte épidémique ».

Les villes populaires sont très marquées par cette crise. A Vénissieux, en novembre dernier, les demandes de secours alimentaires ont augmenté de 117 % par rapport à novembre 2019.  De nombreuses familles, déjà fragilisées par la paupérisation, sont frappées de plein fouet par les temps partiels et le chômage technique subi. Avec le confinement, les factures d’énergies ont explosé et de plus en plus d’habitants n’arrivent plus à faire face au paiement de leur loyer et/ou de leurs factures d’énergie.

Face à ce constat, les mesures prises par le gouvernement sont insuffisantes pour répondre à l’urgence sociale. A l’exemple du plan de relance de l’économie qui ne prenait en compte ni le logement social, ni les populations des quartiers populaires. C’est pour cette raison que j’ai signé, avec 200 maires, une lettre ouverte au Président de la République. Nous avons demandé à l’Etat qu’1% du plan de relance bénéficie aux quartiers populaires et avons soumis nos propositions pour améliorer le quotidien des habitants de nos quartiers. Nous avons été entendus.

Depuis, le Comité Interministériel de la Ville, réuni le 29 janvier dernier, a accordé une enveloppe de 3,3 milliards d’euros pour les quartiers en politique de la ville et proposé des mesures pour réduire les inégalités dans ces quartiers. Nous restons cependant vigilants pour que ces annonces soient suivies d’effets concrets sur nos territoires.

Face à la crise sociale majeure qui s’annonce, toutes les mesures nécessaires doivent être prises pour préserver nos populations déjà fragilisées. A ce titre, la prolongation de la trêve hivernale au 1er juin 2021 constitue un sursis pour les familles en situation d’expulsion. Cependant, elle ne saurait suffire face à l’explosion prévisible et attendue de la précarité.

Aussi, au regard de la situation exceptionnelle que nous traversons, je vous sollicite afin qu’aucune expulsion locative ne soit réalisée cette année.

Je vous prie de croire, Monsieur le Premier Ministre, en l’assurance de ma haute considération.

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