150ème anniversaire de la Commune de Paris

Nous marquons cette année le 150ème anniversaire de la Commune de Paris. 18 mars 1871-28 mai 1871, 72 jours d’une révolution pas comme les autres, qui s’achèvera dans l’horreur de la Semaine sanglante avec près de 20 000 communards fusillés et massacrés. […]

[…] Une révolution qui occupe une place à part dans l’histoire de la France comme dans notre imaginaire collectif. Le plus frappant, c’est que sa singularité n’en finit pas de résonner dans notre espace contemporain et qu’elle continue d’alimenter les mouvements de résistance ou d’insurrection d’aujourd’hui. En 2018, le plus long mouvement d’occupation d’étudiants dans la faculté de Tolbiac se trouve un nom : la Commune de Tolbiac. Ce n’est pas un hasard.
Pourquoi la brièveté de cette révolution s’inscrit-elle aussi durablement dans notre mémoire et trouve-t-elle des prolongements dans des mouvements comme Occupy Wall Street, Nuit Debout ou encore les Gilets Jaunes ? Car la Commune porte en elle un idéal intemporel : l’avènement d’une République démocratique et sociale, écho plus prononcé encore des journées de l’insurrection ouvrière de juin 1848. Elle s’inscrit dans les soubresauts et les avancées du 19ème siècle, des Canuts de Lyon à l’affranchissement des servitudes de la ville. L’affranchissement de la Commune de Paris, c’est l’affranchissement de toutes les communes, à savoir la naissance d’une politique résiliente et indépendante de tout centralisme à l’échelle locale et de la citoyenneté. Très suivie dans le monde, à New York, au Mexique, en Russie, objet d’un ouvrage de Karl Marx « La guerre civile en France », la Commune inscrit la lutte et l’émancipation ouvrières dans la mémoire républicaine. Il faut changer les relations sociales et économiques pour créer une République plus immédiate et plus concrète aux mains des citoyens. 72 jours, c’est court, et pourtant s’y affirment déjà la place émergente de la femme, comme Louise Michel, la volonté de créer une école libre et laïque et la démocratisation et la désacralisation de l’espace public. Entre le Paris Haussmannien et le Paris de la Commune, les bombardements de la Prusse sur la capitale vont resserrer les liens entre les Parisiens et renforcer ce sentiment de résistance dans l’affirmation d’un nouveau monde à construire. S’ensuivent une effervescence et une utopie politique, dans le bouillonnement des idées républicaines, blanquistes et proudhonistes, toutes au service de la justice sociale. Paris, « bivouac des révolutions » comme on la surnommait, sera l’épicentre et le foyer d’une autre IIIème République, plus juste, plus solidaire et plus ouverte aux classes populaires. La Commune, qui ne fera jamais, et heureusement, l’objet d’un consensus politique entre la droite et la gauche, a définitivement assis la notion de justice sociale au centre de toutes les Républiques. L’héritage n’est pas mince.
En ce 150ème anniversaire, j’invite chacun à suivre en podcast les quatre émissions passionnantes du Cours de l’Histoire sur France Culture consacrées à la Commune de Paris. Et de poursuivre nos réflexions avec la sortie récente en Folio de « La Commune des écrivains. Paris, 1871 : vivre et écrire l’insurrection », anthologie de textes, chants, articles de presse, hymnes politiques, poèmes et romans d’une période charnière où se croisent Hugo, Flaubert, Rimbaud, Verlaine, Vallès et la poétesse Malvina Blanchecotte. A noter également la diffusion sur Arte, mardi 23 mars, d’un film d’animation remarquable dans lequel Raphaël Meyssan adapte les trois tomes de son roman graphique éponyme, « Les damnés de la Commune ».

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