Installation du premier Conseil Municipal d’Enfants.

Retrouvez l’intervention de Michèle PICARD à l’occasion de l’installation du premier Conseil Municipal d’Enfants, le mardi 20 novembre dernier.

Le mercredi 21 novembre 2012.

Retrouvez l’intervention de Michèle PICARD à  l’occasion de l’installation du premier Conseil Municipal d’Enfants, le mardi 20 novembre dernier.

Vous êtes 44 élus, 44 enfants qui représentent, au même titre que les adultes, la ville de Vénissieux. Cette installation du conseil municipal enfants de notre commune est un moment qui restera, je l’espère, gravé dans vos mémoires. Elle intervient un 20 novembre, journée nationale des droits de l’enfant, qui est d’ailleurs devenue une loi grâce à la mobilisation et à l’action de l’ancien député-maire de Vénissieux, André Gerin. La citoyenneté est un long chemin et vous y posez aujourd’hui plus qu’un jalon, vous y posez votre engagement pour changer le monde, proche ou lointain, qui vous entoure.

J’ai envie de vous dire, en ce début de séance : restez vous-mêmes, avec vos caractères, avec vos sensibilités, ne vous laissez pas impressionner par le cadre, ni par votre fonction. Oui, restez vous-mêmes, avec vos idées, avec votre imagination, avec vos espoirs, avec ce qui vous met en colère et que vous aimeriez changer, avec ce que vous appréciez et que vous aimeriez renforcer.

En démocratie, on a le droit d’avoir tort, on a le droit de s’opposer sans risquer des représailles, on a le droit de débattre dans l’espace public sans discrimination. Quel luxe, un privilège que tous les enfants de notre planète ne connaissent pas, loin s’en faut. C’est cette liberté d’expression et d’action qui nous est si chère et c’est elle, entre autres, que nous devons entretenir, que nous devons régénérer, que nous devons vous transmettre. Comme l’air dans les poumons, la démocratie nous semble naturelle, on la croit acquise, éternelle, mais l’histoire nous a prouvé qu’elle peut, si l’on fait preuve d’indifférence, nous glisser entre les doigts. Car la démocratie, cela s’apprend. Car le vivre-ensemble, cela se construit. Car le respect de l’autre et de la différence, cela s’acquiert.

Alors, bien sûr, comme dans tout apprentissage, il y a des règles à connaître : La première, celle que l’on garde toujours en tête, c’est le sens de l’intérêt général. En quoi les projets que vous allez porter peuvent profiter au plus grand nombre, aux Vénissians, à un entourage le plus large possible ? En quoi ils vont améliorer votre quotidien, mais aussi le quotidien des autres ? En quoi ils peuvent faire bouger les choses, corriger des injustices ou des difficultés, s’inscrire dans le présent et rester pertinents dans un proche avenir ? Voilà le sommet de la pyramide si l’on veut vivre en société et en parfaite intelligence : l’intérêt général.

Et c’est de lui que découle tout le reste, ces règles que vous allez découvrir. Les débats contradictoires, les joutes verbales, les amendements portés au projet initial, les oppositions ou les unanimités, les doutes, et puis enfin l’heure du choix (qui n’est pas le plus facile) et l’heure du vote : vivre la démocratie, c’est traverser toutes ces étapes et au bout du processus, c’est voir se concrétiser sur le terrain le fruit de vos idées, de vos convictions, de votre engagement.

Ceux qui ont été élus, parmi quelque 307 candidats, dont 163 filles, répartis sur l’ensemble des groupes scolaires publics et privés de notre ville, ont déjà accumulé une belle expérience démocratique. Ils ont mené leur première campagne, proposé leur candidature, élaboré une profession de foi, communiqué, débattu et créé leurs propres affiches. Ces dernières sont exposées dans le hall, et j’invite chacun d’entre nous à y jeter un œil tant elles sont originales et singulières. Au-delà même du calendrier électoral, ils ont appris à vaincre leur propre timidité, à s’exprimer devant un groupe, à argumenter, à convaincre, à tenir compte aussi des recommandations des autres.

C’est la marche vers la démocratie, mais ça a été aussi l’occasion, pour tous ceux qui ne se sont pas présentés, de se familiariser avec les outils démocratiques : le bureau de vote, l’isoloir, le bulletin glissé dans l’urne. 2629 enfants sont ainsi allés voter, ce qui est remarquable.

Ce conseil municipal enfants, auquel je tenais tant, ne sera donc pas un conseil gadget. Les enfants ici présents n’ont pas à jouer aux adultes, mais les adultes que nous sommes n’ont pas non plus à les regarder comme de gentils enfants, mais bien comme des jeunes vénissians qui oeuvrent pour l’intérêt général, qui s’engagent dans la vie de leur collectivité.

J’avais remarqué, lors de précédentes visites de classes à l’hôtel de ville, la pertinence, la curiosité et l’intérêt général que manifestaient les enfants. C’est leur comportement, sérieux, exigeant, enthousiaste, et sans esprit partisan, qui a d’ailleurs nourri mon projet de créer un conseil municipal enfants. Il m’a paru pertinent de leur ouvrir les portes de l’école de la démocratie et je suis sûre que le regard des 44 conseillers modifiera aussi le nôtre en nous apportant un éclairage différent sur la ville que nous partageons.

Il y aura, je le crois, un enrichissement mutuel, un échange fertile entre notre capacité à les aider et leur imagination à changer des choses auxquelles le monde adulte ne prête pas attention. Un travail sérieux et convivial, et les deux ne sont pas antinomiques, c’est ce qui vous attend tout au long de cette année. Pour preuve, trois commissions sont déjà en place : l’école et les loisirs, la solidarité et l’environnement. Elles se réuniront dès le 5 décembre prochain pour une première séance de concertation et de réflexion.

Il y aura donc des mesures concrètes sur chacun des trois thèmes, des mesures et des réalisations dont vous serez les auteurs et que vos parents, vos proches et l’ensemble des vénissians verront se concrétiser dans leur quartier, dans leurs rues ou encore dans les groupes scolaires.

En valorisant votre travail, vous valoriserez votre ville et tous les habitants de notre commune vous seront, à n’en pas douter, reconnaissants.Attachée à l’accès aux savoirs pour tous, attachée à un travail de mémoire collective, la ville de Vénissieux a fait de la démocratie de proximité la pierre angulaire de son pacte communal.

Le conseil municipal enfants en est une extension et il doit devenir un repère, une balise, à l’image de ce que sont les conseils de quartier. On avance donc ensemble, du plus jeune au plus âgé, on construit ensemble et on bâtit ensemble le Vénissieux d’aujourd’hui et le Vénissieux de demain. Ce conseil d’enfants répond aussi à un objectif plus large : agir, dès le plus jeune âge, pour renforcer à la fois le sentiment d’appartenance à la ville et le cheminement individuel vers une prochaine citoyenneté.

Ces lieux de construction et d’émancipation, on les connaît : c’est l’école, c’est la famille, ce sont les associations et c’est aussi notre rôle à nous, les collectivités locales, d’insuffler la force de la liberté et de la démocratie. Aujourd’hui en 2012, nos sociétés connaissent une crise civique, morale et culturelle profonde et très inquiétante. Sentiment d’impuissance et de solitude face au monde qui nous entoure, défiance envers la politique et leurs représentants, repli communautaire et érosion du lien collectif, du lien social, taux d’abstention records et catastrophiques : notre démocratie n’est pas en bonne santé, elle exige notre attention, notre mobilisation et notre vigilance. Elle demande à ce que l’on s’occupe d’elle sinon d’autres régimes, populistes ou claniques, autoritaires ou extrémistes, viendront combler le vide.

Dans ce contexte de crise civique, la création d’un conseil municipal d’enfants a non seulement toute sa place : il a une légitimité pédagogique et une portée éducative essentielles à l’heure actuelle. Je souhaite par ailleurs renforcer cette appartenance à l’histoire vénissiane en invitant les jeunes conseillers à venir suivre les commémorations organisées par la ville.

Tendre des passerelles entre les générations, réunir le temps passé et le temps présent, savoir d’où l’on vient et ce que notre ville a traversé, c’est accomplir, déjà, un premier pas vers la citoyenneté et c’est se donner surtout les moyens de mieux lire et mieux comprendre le monde qui nous entoure.

Deux mots pour conclure cette installation du conseil municipal d’enfants. Je voudrais remercier l’inspection d’Académie et également saluer très sincèrement les directions et les enseignants des groupes scolaires de Vénissieux, qui se sont tous impliqués avec force et générosité dans ce projet.

Ils ont plus que joué le jeu, ils ont été des acteurs incontournables de ce nouvel espace démocratique, au même titre que les parents, sans lesquels rien n’aurait été possible. Nous avons franchi une première étape, mais la vie du conseil nous en proposera d’autres, qui nécessiteront de notre part la même implication et la même détermination afin que cette assemblée fasse partie, à l’image des conseils de quartier, de l’identité vénissiane.

Je tenais enfin à vous lire quelques réactions des jeunes conseillers ici présents, que le journal Expressions nous a rapportées après la journée de cohésion et de rencontres organisée à Champagneux le 31 octobre dernier.

« Etre au Conseil Municipal d’enfants, c’est une responsabilité vis-à-vis des autres enfants » ; « moi, je m’élève contre le racisme. J’en ai souffert. C’est quelque chose que je veux combattre » ; « Je me suis porté candidat car je veux défendre mon école et ma ville ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que les fondations de ce nouveau conseil sont saines. J’y glisserai juste un mot supplémentaire : La démocratie sera une et indivisible, tant que l’on saura l’aimer, la partager et vous la transmettre. Je vous remercie.

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