Mal logement, expulsions : la spirale de la désocialisation ?

… » Le logement social en France, ce n’est pas un quota à atteindre, ou un plafond à ne pas dépasser, c’est avant tout une question de devoir, de volonté, de dignité et de solidarité. »…

Le logement est devenu un marqueur terrible de la relégation sociale. La chute peut être brutale, rapide, et par moments irréversible : perte d’emploi, divorce, maladie, le loyer s’avère trop lourd à porter, l’endettement s’accroît, et les expulsions ne font alors qu’enfoncer dans la misère, des familles et des personnes, déjà en situation de détresse.

En 2015, plus de 14 000 expulsions locatives ont été réalisées en France, soit 24% de plus, que l’année précédente.

La Fondation Abbé Pierre, dans son rapport annuel 2017, estime que 4 millions de personnes, en France, sont en situation de mal logement, et plus de 12 millions, en situation de fragilité, par rapport au logement, soit 18% de la population française.

L’augmentation des loyers, depuis 2000, est de l’ordre de 40 % en France. Un quart des ménages, dépensent plus d’un tiers de leurs revenus, pour se loger, notamment dans le logement privé. Comment les plus modestes peuvent-ils faire face, alors que les objectifs de construction de logements sociaux, n’ont pas été atteints, ni sous Sarkozy, ni sous Hollande : 150 000 par an promis, contre à peine 110 000 réalisés en 2015, et 130 000 en 2016.

Face à une telle crise, l’argument qui consiste à dire que les communes font du logement social, à des fins politiques, m’est insupportable. Le logement social en France, ce n’est pas un quota à atteindre, ou un plafond à ne pas dépasser, c’est avant tout une question de devoir, de volonté, de dignité et de solidarité. Il faut répondre à une urgence réelle, criante, et c’est ce que nous faisons à Vénissieux, avec une politique du logement, digne et solidaire.

Avec près de 50% de logement social sur notre territoire, la gestion des demandes de logement social, concerne de nombreux Venissians, et 3 000 sont en attente. Nous poursuivrons nos efforts, puisque 400 nouveaux logements locatifs sociaux, seront construits, en 2018 et 2019. Des secteurs sont appelés à se densifier, alors que d’autres seront préservés. Je veux souligner également la présence significative, de notre habitat spécifique : résidences sociales, résidences personnes âgées, foyers de travailleurs migrants, logements étudiants, habitat pour gens du voyage. Soit environ 2 400 places. Et nous avons mis en place, une diversité du parcours résidentiel, qui porte ses fruits.

Vous connaissez la lutte que je mène tous les ans, contre les expulsions, les coupures d’eau et d’électricité, des mesures inacceptables, dans un pays comme le nôtre. Soyez en sûrs, je continuerai de mener ce combat, et de prendre des arrêtés visant à interdire les expulsions, car c’est tout simplement une question de dignité. C’est aussi une bataille juridique, et une façon d’interpeller les pouvoirs publics, sur ses propres responsabilités. Humainement insoutenables, les expulsions révèlent les problèmes d’hygiène, d’insalubrité, de risques d’accidents, ou de troubles de l’ordre public. Et qui retrouve-t-on en première ligne ? Les maires, à qui l’on demande de gérer les situations d’urgence, mais auxquels on interdit de prendre des arrêtés contre les expulsions.

En 2015, selon la fondation Abbé Pierre, le nombre d’expulsions effectives, avec le concours de la force publique, a fait un bond de 24% en un an.

Les chiffres 2016 sont encore pires. 15 222 ménages ont été expulsés, avec le concours de la force publique, en 2016, d’après le ministère de l’Intérieur. Triste record, qui confirme la tendance de long terme, avec une augmentation de 140 %, en 15 ans ! Sans oublier que deux à trois fois plus de ménages, quittent leur domicile avant l’arrivée des forces de l’ordre, sous la pression de la procédure.

A Vénissieux, les expulsions effectives ont également augmenté, atteignant le chiffre de 33 en 2016, soit une augmentation de 37,5%, par rapport à 2015, liée à une très forte augmentation des programmations d’expulsions. Il nous faut agir en amont, pour briser cette spirale dramatique. Le CCAS de Vénissieux continue de renforcer son engagement, dans le travail de prévention des impayés.

Il met en œuvre les moyens légaux et les dispositifs sociaux, afin de trouver une solution, aux locataires en impayés de loyers. Il intervient dès les premiers mois d’impayés, mais également, à tout moment de la procédure, soit à la demande des intéressés, soit en les convoquant, suite aux informations délivrées par les partenaires (bailleurs, commissariat, préfecture etc.). Les personnes sont reçues sur rendez-vous, et peuvent être rencontrées à plusieurs reprises, tant que les difficultés subsistent. Les travailleurs sociaux peuvent aussi être amenés, à réaliser des visites à domicile.

Ce travail de prévention se traduit, par une aide à la négociation avec les bailleurs, par des explications des procédures légales, ou par des orientations vers les travailleurs sociaux, afin d’engager un suivi social. En 2016, 353 situations d’usagers en situation d’impayés, ont été enregistrées au CCAS.

Je le dis depuis des années, le logement en France, devrait faire l’objet d’un véritable plan d’urgence national. L’Etat a les outils et les moyens, pour mettre fin à cette crise, mais encore faut-il en afficher la volonté politique. Entre la spéculation immobilière d’un côté, et la détresse sociale de l’autre, je sais où sont les vraies priorités.

Je vous souhaite une excellente conférence, que notre ville va suivre avec attention, et je tiens à saluer la présence de nombreux intervenants, et de la Fondation Abbé Pierre. Je vous remercie.

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