Nouvelle saison au théâtre de Vénissieux

… »Une culture vivante et populaire, ce n’est pas une culture qui s’endort dans un musée, mais qui sort, pour aller au contact des habitants, qui s’installe durablement, à travers les équipements dans tous les quartiers, qui prend des risques, soutient des artistes, joue la carte de la jeunesse. »…

C’est un signe qui ne trompe pas, la culture aura été, l’une des grandes absentes des élections présidentielles. C’est un signe qui ne trompe pas, mais un signe qui nous inquiète, symbole du désengagement progressif et patent de l’Etat, depuis des années. Non seulement la culture est nécessaire, mais elle est surtout indispensable, aujourd’hui, pour recoller les morceaux d’une société fracturée, et fissurée.

Raison de plus de s’inquiéter de sa fragilité actuelle. Il faut que la France retrouve une ambition digne de nom, car la culture est avant tout, une affaire de volonté.

Crise ou pas crise, elle doit rester une priorité, si l’on veut  construire une société de l’émancipation, du respect et du partage collectif. Crise ou pas crise, elle ne doit pas devenir une variable d’ajustement des politiques économiques, sous peine de ronger un peu plus le lien social. Il s’agit bien de volonté, volonté de protéger les métiers de la création, volonté de réfléchir et de légiférer, le cas échéant, face à la révolution numérique, qui bouleverse les circuits de diffusion, et remet en cause les droits d’auteur.

Volonté de ne pas cliver culture, soi-disant savante, et culture populaire, mais d’amener les deux dans tous les territoires, tous les quartiers, au contact de tous les habitants. Car des disparités existent, voire se creusent.

La culture en France, c’est en valeur ajoutée, 43 milliards d’euros, soit 7 fois plus que celle de l’industrie automobile. Le secteur a du poids, mais à qui s’adresse-t-il ? 28% des Français fréquentent une bibliothèque ou médiathèque, mais 27% d’entre eux, n’ont pas lu de livre, lors de l’année écoulée. 67% des cadres et professions libérales ont assisté à un concert de musique classique dans leur vie, mais 0% des agriculteurs, 1% des ouvriers, 5% des employés.

La vocation de la culture n’est pas de finir dans l’entre soi, mais de s’ouvrir à tous, et plus particulièrement au public qui s’en sent éloigné, parfois par blocage psychologique, ou par conditionnement. Une culture vivante et populaire, ce n’est pas une culture qui s’endort dans un musée, mais qui sort, pour aller au contact des habitants, qui s’installe durablement, à travers les équipements dans tous les quartiers, qui prend des risques, soutient des artistes, joue la carte de la jeunesse.

A Vénissieux, chacun peut être spectateur et acteur de la culture. Démocratiser la culture et démocratisation de la pratique artistique, voilà les deux leviers auxquels nous croyons, et à partir desquels, nous bâtissons la politique culturelle de Vénissieux. J’ajoute que cette ambition s’est traduite, en termes d’aménagement du territoire, que le théâtre, la Médiathèque, le cinéma Gérard Philipe et l’école de musique, sont devenus des points de repères, et des identités structurantes de notre ville.

Cette présentation de la saison 2017/2018, me fournit l’occasion de remercier et de saluer tout le travail des directions, des services et des agents, qui s’investissent sans compter, pour faire vivre au quotidien, nos émotions collectives, pour accompagner les jeunes compagnies et résidences, sur le chemin de la création.

Nous avons la volonté que la culture à Vénissieux circule, entre tous nos équipements, qu’elle y résonne simultanément, et qu’elle prenne de l’ampleur sous l’effet d’une synergie, à laquelle tout le personnel contribue.

Dans ce cadre d’une association de compétences, je rappelle que, depuis un an et demi, le Théâtre et Bizarre !, notre équipement dédié aux musiques actuelles et cultures urbaines, sont réunis, au sein d’une régie autonome, La machinerie. Le résultat est là : la saison dernière fut le temps de la première saison de concerts et d’activités de Bizarre !, tandis que toute l’équipe de La Machinerie travaillait à la construction d’un projet artistique nouveau, fédérateur, et complémentaire entre les deux salles.

En effet, plutôt que de simplement travailler côte à côte, il s’est agi de mettre en valeur les compétences communes des personnels qualifiés, dans tous les métiers dédiés au spectacle vivant, de jouer sur les complémentarités des salles disponibles. Ce projet innovant améliore encore l’accompagnement des artistes en résidences, ou en formations, renforce la pratique amateur, et l’ouverture à un large public : enfants, adolescents, scolaires, adultes, familles, groupes. Croiser les expériences, s’ouvrir à tous les mondes, faire preuve d’audace, notre théâtre joue à plein, son rôle de foyer de la culture populaire, de défricheur de talents, et de vecteur d’éducation artistique.

Quelques chiffres pour illustrer mes propos : malgré l’annulation de deux spectacles majeurs, pour raisons de santé des artistes, la fréquentation du théâtre a atteint la saison passée, la barre des 10 700 entrées, avec un taux de remplissage de 85%. 4 000 élèves de la ville ont assisté à un spectacle professionnel, se sont sensibilisés à la création, et aux différentes formes que prend l’imaginaire.

Cette saison, quatre créations par des compagnies régionales seront soutenues, dont deux pour le jeune public. La compagnie Les Veilleurs entrera en résidence, au plus près des Vénissians, en animant stages, rencontres et ateliers, et présentera deux spectacles La migration des canards et Contre les bêtes.

Pièces de théâtre, danse, musique, cirque, arts mêlés, plus de 20 spectacles pour tous les âges, formeront l’ossature d’une très belle saison à venir. Entrer dans l’émotion collective, rire ensemble, avoir la gorge serrée, ne pas être tout à fait la même personne, avant et après le spectacle, s’interroger, s’indigner, voilà ce que l’on attend de la culture populaire, de la création artistique, qu’elle nous secoue, qu’elle nous transporte, qu’elle nous rapproche, qu’elle nous bouleverse. Le théâtre de Vénissieux remplit toutes ces missions, avec l’audace, le professionnalisme, et la générosité qu’on lui connaît, et je tiens à féliciter sa directrice, Françoise Pouzache, et toutes ses équipes.

A la veille de cette nouvelle saison, en entrant dans cette salle, il faut aussi que chacun de nous se pose une question culturelle et politique, citoyenne et collective, mais en aucun cas partisane : imagine-t-on Vénissieux sans la richesse et diversité de sa culture de proximité ?

Imagine-t-on moins de spectacles pour les enfants, une programmation qui se rétracte, des festivals et résidences artistiques a minima ?

Imagine-t-on une vie associative qui s’éteint peu à peu dans chaque quartier ?

Imagine-t-on ce que l’on perdrait ? Beaucoup de nous-mêmes, beaucoup de notre rapport à l’autre, beaucoup de notre sensibilité ?

Je le dis, car les désengagements de l’Etat, l’austérité imposée, sans discernement, aux collectivités locales, fragilisent et menacent à terme, cette culture de proximité, qui est notre bien commun. Et cette fuite en avant ne va pas s’arrêter là, mais s’accélérer, et s’aggraver encore, dans les années à venir.

En cette soirée de présentation, il ne s’agit pas d’ouvrir le débat, mais de le garder en tête, et de se rappeler que si la culture est un plaisir des sens et de l’esprit, elle est aussi un combat, qui vaut d’être mené. Vénissieux tient ce cap, non pas pour ce que la culture nous rapporte, mais pour ce que la culture nous apporte, ici et maintenant.

Je vous remercie et vous souhaite une excellente saison 2017-2018.

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