Journée de la Laïcité

… »On a cru la laïcité acquise, gravée dans le marbre, ancrée au cœur de notre société, on la découvre, aujourd’hui, plus fragile et menacée que prévu. »…

La laïcité n’est pas innée, elle est le fruit et le choix d’hommes et de sociétés, avançant progressivement vers une distinction, entre le spirituel et le temporel. La laïcité est donc une notion qui se transmet, qui s’apprend, dès le plus jeune âge. Mais mettons-nous à la place des enfants ? Que signifie le mot laïcité ? Que veut dire vivre dans une société laïque ? Ce n’est pas si facile à expliquer, ni à identifier.

Il faut chercher alors, sous le mot de laïcité, l’esprit qui l’anime. Et cet esprit, c’est l’esprit du respect, et l’esprit de la tolérance. Respect et tolérance, voilà deux mots simples, deux mots significatifs, deux mots à portée d’enfant, et à portée d’imaginaire. Au mot de tolérance toutefois, il conviendrait plutôt de lui substituer le mot de concorde, car il ne s’agit pas de tolérer ce qui nous différencie, mais de fondre nos différences dans une société commune, qui sait les reconnaître. Le respect, c’est quoi, c’est ce que vous vivez tous les jours dans les écoles. C’est le respect entre filles et garçons, entre maîtres et élèves, entre les différences de cultures ou les origines, entre les couleurs de peau, entre les langages. La laïcité s’inscrit exactement dans le même esprit. C’est le respect entre ceux qui croient, quelle que soit leur confession, et ceux qui ne croient pas. Et là encore, le respect des règles communes n’est pas inné, il s’apprend.

Souvenons-nous de cette phrase de Régis Debray, je le cite : «Aucune société n’est laïque spontanément. Nous sommes tous portés par des intolérances, des irritations. Nous voulons tous nos privilèges, nos groupes de convictions… La société, c’est un peu la guerre de tous contre tous. L’Etat, c’est-à-dire l’intérêt général, est là pour essayer de pacifier, de coordonner ces tiraillements. Oui, il faut un Etat pour qu’il y ait une laïcité».  On a cru la laïcité acquise, gravée dans le marbre, ancrée au cœur de notre société, on la découvre, aujourd’hui, plus fragile et menacée que prévu. Il faut donc réexpliquer son sens, faire preuve de pédagogie, mais rappeler avant tout, qu’il y a des principes qui interdisent, et d’autres qui protègent. La laïcité n’interdit pas, elle protège ! Ce retour aux sources est nécessaire, tant la confusion règne entre laïcité rigide, laïcité à la française, laïcité contraignante, nouvelle laïcité, laïcité positive…

Le travail qui a été mené pour la cinquième année consécutive, avec les Délégués Départementaux de l’Education Nationale, avec l’aval des inspectrices des trois circonscriptions, répond à cette urgence éducative, et de sensibilisation des plus jeunes. A ce titre, je remercie ici même, la présidente de la délégation de Vénissieux des DDEN, Marie-Thérèse Persch. Cette année, 10 écoles, soit 46 classes participantes, ainsi que le Conseil Municipal d’Enfants, se sont emparées du thème de la laïcité. Les délégués départementaux ont questionné les élèves, sur leur définition personnelle de la laïcité en 2017. Chaque école a ainsi constitué une « capsule temporelle », destinée aux générations futures. Pour ce faire, les délégués ont mis à disposition un coffre en bois, destiné à recueillir un choix des productions des élèves. Les enseignants ont pu guider les élèves, et retenir tout type d’œuvres (dessins, photographie, vidéo, poésie, sculpture…). Les productions, sélectionnées au sein d’une même école, ont été réunies dans le coffre, constituant ainsi une véritable sauvegarde, et baptisé « le coffre de la laïcité » de l’école. Aujourd’hui, j’ai scellé le coffre du CME, tandis que les autres coffres seront fermés par les délégués départementaux, dans chaque école, dès lundi prochain. Dans cinq ans, ils seront tous réouverts, pour découvrir les traces mémorielles de la laïcité, et en mesurer également le chemin parcouru.

Je veux préciser que le second degré s’est aussi mobilisé, avec le collège Paul-Eluard. Ce dernier a obtenu en 2016, le trophée de l’institut supérieur des religions et de la laïcité, et le prix national de l’association des amis de Jean Zay. Le 17 octobre 2017, une fresque mettant à l’honneur la laïcité, a été installée au sein de l’établissement, avec ces mots associés qui nous parlent : respect, fraternité, croyance, paix… Vénissieux est à la pointe de ce combat pour la laïcité, à savoir pour une société éclairée et apaisée, pour une société du respect. Si cet enjeu n’est pas majeur aujourd’hui, alors quel est-il ?

Ce sillon pédagogique, il faut continuer de le creuser et de l’élargir. La laïcité, ce n’est pas seulement le passé, le siècle des Lumières, les lois de 1882 et 1886, par rapport à l’enseignement et aux écoles, et celle de 1905 bien sûr, c’est notre héritage au quotidien, c’est notre héritage au jour le jour. La laïcité n’est pas une matière à beau texte et à concept, elle est présente dans les sphères de l’école, des services publics, dans la pratique sportive, dans la vie associative, de l’entreprise, au sein des services publics municipaux. Il faut revenir à cette proximité de terrain, et c’est ce message de respect, que notre ville porte, avec l’éducation nationale, avec notre commission laïcité et vivre ensemble, avec les enfants de nos écoles, les EPJ et les associations.

Revenir à l’état originel de la laïcité, et rappeler qu’elle n’est pas une religion de l’anti-religion, pas plus qu’elle ne signifie une société « sans religion ». Elle est ce cadre qui garantit la liberté de culte, sans prosélytisme, et le respect mutuel entre croyances et convictions, entre croyants et non croyants, entre les confessions elles-mêmes. Elle ne stigmatise pas, ni ne montre du doigt, telle ou telle confession. Elle est concorde, quand d’autres, ceux qui veulent diviser la communauté, aspirent à la discorde. «La laïcité est l’acceptation de toutes les opinions et de tous les comportements, qui savent respecter l’autre», disait, au sens large, le chercheur et essayiste, Albert Jacquard.

Merci à tous ceux, ici présents, qui font vivre auprès des enfants et des Vénissians, ce beau principe qui nous protège, et qui nous rassemble.

Je vous remercie.

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