Inauguration d’une rue Guy Fischer, et d’une école Flora Tristan

Guy Fischer-Flora Tristan. Deux noms côte à côte, qui semblent d’ailleurs se parler à travers le temps.

Guy aurait aimé être là, parmi nous, tout le monde le sait. Il vivait l’école, il respirait l’école, il aimait l’école, comme un battement de cœur neuf, pour une société plus éclairée, plus juste, plus émancipée. L’école de la République était sa seconde maison, sa terre d’adoption, là où l’enfant se construit, là où l’enfant s’éveille, là où l’enfant s’ouvre au monde qui l’entoure, et s’ouvre à lui-même.

La rue Guy Fischer, que nous venons d’inaugurer, est dans l’esprit, idéalement située. Elle répond bien sûr à des aménagements techniques nécessaires pour la desserte du groupe scolaire, mais vous comprendrez que c’est l’aspect émotionnel que je souhaite mettre en avant. Idéalement placée car c’est en jeune instituteur communiste de 33 ans, que Guy a commencé son premier mandat d’élu en mars 1977, à Vénissieux. 37 ans de mandats électifs ont succédé : premier adjoint au maire, auprès de Marcel Houël, puis d’André Gerin jusqu’en 1996, conseiller à la Communauté urbaine de Lyon (de 1977 à 1996), conseiller régional, conseiller général du Rhône, élu sénateur du Rhône de 1995 à 2014, et vice-président de la haute assemblée de 2001 à 2011.

Guy n’a cessé de relier les hommes aux territoires, à Vénissieux ou à Paris, de se fondre dans le récit collectif de notre ville. Il laisse une empreinte indélébile. Ceux qui ont créé une polémique vaine et écœurante, lors du conseil municipal relatif à la dénomination de cette rue, n’ont pas voulu comprendre ni admettre, par dogmatisme stupide, la dimension d’honnêteté, de courage, de proximité, et la place que Guy occupait dans le cœur de tous les Vénissians. A l’aune des hommages reçus par ses pairs, de droite comme de gauche, ils ont bafoué, à la fois les valeurs d’un homme, et la mémoire d’une ville. Je ferme la parenthèse. Contre le monde libéral, un monde à la dérive et sans boussole, où tout s’achète et tout se vend, Guy a toujours été à mes côtés, pour défendre les droits fondamentaux inscrits dans notre constitution, qu’il s’agisse de logement, d’emploi, d’éducation, de santé. C’est donc ici, près de son quartier et près de sa vocation, que Guy Fischer s’inscrit physiquement et durablement, dans l’espace de notre ville. Une rue donc, à la mémoire d’un homme doublé d’un humaniste, généreux dans tous ses combats, qui s’est toujours battu pour la reconnaissance de Vénissieux et des Vénissians.

Si près de l’école, mais aussi si près de Flora Tristan, femme de lettres et de combats pour le droit des femmes et les grandes luttes sociales du 19ème siècle, grand-mère du peintre Paul Gauguin. Pourquoi avoir fait le choix de cette femme ? Car Flora Tristan se battra toute sa vie pour le droit des femmes, dont celui de divorcer. Car pour elle, la condition féminine, et la condition sociale des ouvrières, étaient indissociables. Car cette femme de tempérament n’a pas eu peur d’affronter l’hostilité des communes conservatrices et bourgeoises, lors de son « tour de France » auprès de la classe ouvrière. Pour mieux la découvrir, je vous invite à lire le beau roman de Mario Vargas-Llosa, « Le paradis un peu plus loin », qui met en parallèle l’histoire de Flora Tristan et Paul Gauguin, deux êtres en quête d’un idéal inaccessible. «Deux choses me surprennent : l’intelligence des animaux et la bestialité des hommes», disait Flora Tristan. Une vision tranchée, peut-être un peu trop, mais qui a le mérite de placer l’école au cœur de tout. L’antidote à la bestialité, c’est l’école de la transmission des savoirs, de l’éducation, du respect, de la tolérance. C’est l’école de l’émancipation, des curiosités, de l’esprit critique. C’est l’école de la République, gratuite, laïque et démocratique.

Puisque ce discours est placé sous le signe des noms, cette école prend ses racines chez Waldek-Rousseau, Aristide Briand, se déploie sous Jules Ferry et Jean Zay. Ces hommes avaient compris que, par le biais d’une école démocratique, par la transmission partagée d’une éducation intellectuelle et civique, l’humanité devenait en quelque sorte, plus digne d’elle-même.

En inaugurant aujourd’hui le 21ème groupe scolaire public de Vénissieux, nous nous inscrivons dans le prolongement de cette très longue histoire. Elle devrait aller de soi, et l’école, être au centre de nos préoccupations, mais, ouvrons les yeux, ce temps est révolu. La montée des idées réactionnaires contre les sciences humaines, l’étranglement des finances locales sous les politiques d’austérité, en font presque un acte de résistance. Curieux retour du déterminisme social, contre lequel toute société de progrès devrait s’opposer. Alors oui, Vénissieux résiste, et elle en est fière. Le plus important investissement du mandat de notre ville, à hauteur de 14 millions d’euros, est là, sous nos yeux.

Je voudrais à cette occasion remercier doublement le préfet du Rhône, Monsieur Michel Delpuech, pour son choix de valider le groupe scolaire Flora Tristan comme projet d’intérêt général, et pour l’octroi d’une dotation de l’Etat d’un peu plus d’1 million d’euros, dans le cadre de l’ex-DDU, devenue aujourd’hui Dotation Politique de la Ville. A travers cette reconnaissance et cette valorisation, c’est tout le travail de notre équipe municipale, de nos directions et de nos services, qui est récompensé. Investissement financier et investissement humain, car Flora Tristan représente la création de 15 équivalents temps plein.

Ce nouveau groupe scolaire est le fruit d’une concertation avec l’Education Nationale, avec les habitants, les parents d’élèves, commencée dès 2013. Il est le résultat brillant d’une détermination sans faille, et d’un projet architectural ambitieux, que je salue, dédié exclusivement aux conditions d’apprentissage des enfants, et aux conditions de travail du personnel éducatif. Le travail du cabinet d’architecture, l’atelier Castro-Sophie Denissof et associés, ainsi que le traitement paysagiste, a contribué de façon remarquable à la réussite du projet, et j’adresse à toutes les équipes concernées mes félicitations. Prise en compte de la lumière, du bruit, des déplacements, des locaux adaptés aux petits et tout-petits, aux missions du RASED, au réseau d’éducation prioritaire, à la médecine scolaire : tout a été pensé, de l’accueil des temps périscolaires, à la présence du numérique, pour les enfants, pour les enseignants, pour l’accueil des familles. Parfaitement intégré à son environnement, la nouvelle école accueille 9 classes en élémentaire, et 7 en maternelles, soit environ 400 élèves. Le bâtiment a été conçu pour pouvoir accueillir 19 classes, et anticiper la dynamique du secteur. Toutes les villes des grandes agglomérations en France sont confrontées à une augmentation continue et forte, de leur effectif scolaire. Villeurbanne, Saint-Priest, Saint-Fons, Lyon sont dans ce cas et, contrairement à ce que certains affirment, notre ville agit bien en amont, sur la prévision de la population scolaire dans nos établissements.

Enfin, avec l’ouverture de l’école Flora Tristan, on a pu soulager d’autres écoles : 3 classes ont fermé au Centre, 1 à Gabriel Péri. Tout comme il convient de rappeler que, malgré les baisses de dotation de l’État aux collectivités locales, Vénissieux a maintenu son équivalence d’une Atsem par classes, en maternelle. D’autres communes, je peux vous le garantir, n’ont pas effectué ce choix.

Enfin, dans le cadre d’une rentrée réussie du nouveau groupe scolaire Flora-Tristan, je tiens à remercier les directions de la Ville, et les services municipaux, impliqués en nombre dans ce projet, et sollicités depuis des mois, notamment cet été. L’école est au centre de tout, de la citoyenneté à construire, de la société à bâtir, de la vie de la collectivité et de la cité. Elle en est le centre, car elle en est la condition indispensable à l’émancipation, et à l’épanouissement, des jeunes générations. Les dispositifs que nous avons mis en place (la réforme des rythmes scolaires, le CME, l’Apasev), tracent des perspectives dont le point d’origine reste, et restera, l’éducation des enfants. La même pour tous, quel que soit le quartier, quelle que soit la catégorie sociale.

Dans un monde compliqué, où les repères sont flous, où le vivre ensemble est sorti fragilisé des événements tragiques de ces derniers mois, notre responsabilité est de rappeler les lignes fortes de notre république, de ne pas transiger avec les valeurs qui la portent : l’éducation et la culture en constituent deux piliers fondateurs, qu’il nous faut consolider, renforcer, quand les politiques de l’argent fou n’ont de cesse de les éroder, de les affaiblir.

Vénissieux sait où sont ses priorités, ce nouveau groupe scolaire Flora Tristan, au service de nos enfants, en est l’illustration. Elle garde le cap, malgré des politiques d’austérité qui nous pénalisent lourdement, et qui nous contraignent déjà à effectuer des choix difficiles. Alors, j’ai envie de dire à la direction, aux enseignants, au personnel de l’établissement et aux enfants : cet outil est le vôtre, son socle, celui du savoir transmis et partagé, son esprit, celui des Lumières et de notre belle, grande et indispensable école publique et laïque.

Je vous remercie.

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