38ème congrès départemental de la FNACA

… »C’est dire si la transmission, dans un monde en manque de repères, est plus que jamais un enjeu de société. »…

Rien n’est figé, rien n’est acquis, tout, bien souvent, est impermanent. L’histoire, la mémoire, ne sont pas des paysages immobiles et éternels, ce sont des champs à entretenir, à cultiver, à transmettre. Dans le cadre de la commémoration des 70 ans de la Rafle du Veld’hiv, un sondage, réalisé en 2012, livrait les chiffres suivants : 67% des 5-17ans, 60% des 18-24 ans, et 57% des 25-34 ans, ne connaissaient pas cet épisode terrible et sinistre de la rafle. C’est dire si la transmission, dans un monde en manque de repères, est plus que jamais un enjeu de société.

Je sais que la Fnaca est très fortement attachée à cette question de la transmission. « Commémorer, dites-vous, c’est arracher à l’ignorance ! ». Que ce soit la ville de Givors ou de Vénissieux, nous partageons cette démarche d’une mémoire ancrée à notre présent, d’une mémoire vivante, au cœur des jeunes générations. Les anciens combattants, ce n’est pas un ancien monde parmi nous, c’est l’expérience d’hommes et de femmes, qui ont traversé non sans douleur, les périodes sombres du 20ème siècle. La guerre d’Algérie fait partie de ces épreuves qu’il nous faut comprendre, à travers vos témoignages, qu’il faut éclairer à votre contact, et en votre présence. Nous sommes les maillons d’une chaîne, voilà ce que je veux vous dire, et aucun ne doit manquer, si l’on veut construire une société plus éclairée, plus tolérante, plus apaisée.

La FNACA est une association qui compte. Elle compte d’autant plus, que sa voix porte des thèmes et des combats qui nous sont chers. Outre le devoir d’histoire, vos valeurs sont républicaines, et elles restent dans la filiation du CNR. Vous œuvrez pour la paix et la solidarité entre les peuples, tout en portant les revendications légitimes des anciens combattants. Nous le savons, il n’y a pas de nation, pas de collectivité, sans la notion de reconnaissance et de respect. Et il n’y a pas de mémoire partagée, sans les lents combats vers une histoire partagée, sans déni, sans récit tronqué, sans instrumentalisation. Je me souviens, et j’en suis très reconnaissante, que la FNACA a mené une bataille acharnée, pour la reconnaissance du 19 mars, comme date officielle du cessez-le-feu en Algérie. Un combat mené avec pugnacité, et défendu à l’Assemblée Nationale et au Sénat, par les élus communistes, dont Guy Fischer bien évidemment.

Puisque le 38ème congrès départemental du Rhône de la FNACA nous réunit aujourd’hui, j’ai envie de vous dire : restons vigilants, restons mobilisés contre les discours démagogiques et réactionnaires. La mémoire de ce que vous avez vécu, mérite mieux que les raccourcis et politiques de reniement, de l’extrême droite notamment. Le sinistre et cynique maire de Béziers, dont je tairai le nom, n’a-t-il pas débaptisé dans sa ville, la rue du 19 mars 1962 ?

De même à quoi joue le président de notre région, Laurent Wauquiez, lorsqu’il annonce la baisse de la subvention allouée au musée-mémorial des enfants d’Izieu, en mai 2016 ? Une atteinte grave au lieu de mémoire, qu’il réitère en ce début de mois, en annonçant, au nom des efforts pour le développement économique, la fin de la subvention au Centre National de la Mémoire Arménienne ? Dans les deux cas, Laurent Wauquiez fera marche arrière. Mais le mal est fait, car comment peut-on mettre en parallèle, le devoir de mémoire et l’argent du développement économique ? Ce mauvais mélange des genres porte un nom : le populisme. C’est justement contre ces amalgames, que nos deux villes se battent. A Vénissieux, nous préférons le temps long de l’éducation et de la citoyenneté, au temps nauséeux des opportunismes politiques. La transmission est impérative, dans un contexte national et international de montée de l’exclusion, où la violence, l’obscurantisme, le nationalisme, le racisme, l’intolérance favorisent le repli sur soi.

C’est le sens du travail engagé avec le Conseil municipal enfants, depuis maintenant 5 ans. Notre volonté : faire de notre jeunesse des citoyens à part entière, acteurs et décideurs de leur propre vie. La démocratie et la République, s’apprennent et s’acquièrent dès le plus jeune âge, pour appréhender le monde de demain, à l’aune du monde d’hier, pour tirer des leçons du passé, et se projeter vers l’avenir. Que font les jeunes élus présents à toutes les commémorations, si ce n’est devenir déjà un maillon de notre histoire ? Voilà pourquoi nous tenons à tisser des liens avec les anciens combattants, pour bâtir et transmettre une mémoire vénissiane, et la diffuser à travers toutes les générations.

Le combat de la transmission, que vous incarnez au plus haut point, rejoint le combat de la place des sciences humaines dans nos sociétés, que les politiques libérales veulent rendre accessoires. Elles ne sont pas simplement nécessaires, elles sont indispensables à la cohésion sociale, et au vivre ensemble. Mettre à mal la vie associative, comme le fait l’Etat, en sabrant les dotations aux collectivités locales, c’est aussi mettre à mal les valeurs pédagogiques, et la transmission des connaissances. Je comprends les inquiétudes de la FNACA, et je trouve légitime son incompréhension, de voir le domaine des anciens combattants et de la Mémoire, ne pas figurer explicitement, dans les fonctions ministérielles des armées du gouvernement Edouard Philippe.

Votre 38ème congrès départemental du Rhône s’achève. Sachez qu’ici à Givors, comme à Vénissieux, la place d’un ancien combattant, est la place d’un citoyen à part entière, et que nous avons besoin de votre présence et de votre expérience, pour bâtir ensemble des lendemains meilleurs.

Je vous remercie.

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